Santé mentale et conflits


La pandémie de COVID-19 rappelle à tout un chacun l’importance de la prise en compte de la santé mentale dans nos sociétés. Dans le contexte humanitaire, quelles conséquences peuvent avoir les conflits sur les populations ?

©Sadak Souici | Dans un hôpital de la région de Donetsk

©Sadak Souici | Dans un hôpital de la région de Donetsk

Pour commencer, il convient de rappeler que la santé mentale est une composante essentielle de la santé. La Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme suit : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Toujours selon l’OMS : « La santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté. »

Pour Mélissa Robichon, psychologue et référente santé mentale à Première Urgence Internationale : « La santé mentale doit être considérée comme un continuum incluant à la fois l’état de bien-être, la souffrance psychologique, la détresse et le trouble mental. C’est un continuum où il existe de multiples formes de symptômes et d’intensité et sur lequel nous, en tant qu’individu, nous nous déplaçons constamment au gré des évènements de notre vie, de notre capacité à faire face, de notre environnement et de nos facteurs biologiques. »

La situation du Donbass

Première Urgence Internationale intervient depuis plusieurs années dans le domaine de la santé mentale et du soutien psychosocial, notamment dans le bassin minier du Donbass.

« La santé mentale de la population a été extrêmement impactée à la suite du conflit dans l’est de l’Ukraine. Cela inclut à la fois les personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine et les personnes qui sont restées aux frontières des zones de conflit », explique la référente en santé mentale.

Une femme d’un âge avancé soutenue par l’ONG témoigne : « Je vis sur la ligne de front. J’ai survécu à toutes les explosions, je connais tous les types d’armes. Je vis au premier étage, tout est détruit par les bombes. Certes, il y a de la lumière, il y a de l’eau, et nul part où aller. Mon mari a besoin de subir une opération, mais il n’y a pas de médicaments. Malgré cela, je surmonterai cette épreuve même si c’est très dur. »

© Sadak Souici | Au poste de contrôle de Mayorsk où Première Urgence Internationale intervient en santé

© Sadak Souici | Au poste de contrôle de Mayorsk

En 2018, l’ONG y a mené une évaluation en amont de ses activités. Les données récoltées ont déterminé les facteurs de détresse psychologique au sein de la communauté.

« Ces facteurs sont le plus souvent liés à la séparation de la famille, la perte des biens et de l’emploi, la perturbation de l’accès aux services de base : santé, éducation, transport, communication, l’aggravation de la situation économique, incluant l’augmentation des prix, les faibles revenus et la détresse due à l’anticipation de nouvelles conséquences du conflit. »

Besoin de formations

Le domaine de la santé mentale est émergent dans beaucoup de pays, par conséquent, le recours à un ou une psychologue ou spécialiste est extrêmement limité et quand il existe, souvent centré sur les troubles mentaux sévères et stigmatisé.

De plus, les personnes qui résident dans les zones d’intervention de Première Urgence Internationale en Ukraine vivent majoritairement dans des zones rurales et reculées. L’accès aux services de santé y est donc plus complexe que dans les grandes villes.

« Les services de santé mentale sont eux-mêmes restreints et le personnel de santé peu formé à l’identification et à la prise en charge des personnes en souffrance psychologique », complète la psychologue.

Pour contrer ce manque, l’ONG forme, entre autres, des professionnels de santé dans le domaine de la santé mentale et du soutien psychosocial dans le Donbass.

Valeriia Volkova, Chargée des interventions en santé mentale et soutien psychosocial pour Première Urgence Internationale en Ukraine précise : « Nous leur apprenons comment diagnostiquer les principaux troubles mentaux, comment définir ce qu’est la dépression, le deuil, les états de stress post-traumatique… Nous insistons sur le fait de bien savoir diagnostiquer tous ces troubles afin d’orienter les patients vers des centres de santé spécialisés lorsque c’est adapté. »

Les sujets de ces formations portent sur des thèmes variés tels que « la prise en charge individuelle, les premiers soins psychologiques, l’utilisation d’outils clinique d’évaluation et l’activation comportementale pour les personnes âgées ».

© Sadak Souici | Dans la région de Donetsk où l'ONG Première Urgence Internationale intervient depuis 2015

© Sadak Souici | Dans la région de Donetsk

L’effet des conflits sur la santé mentale

Selon des données de l’OMS qui datent de 2019, en zone de conflits « une personne sur cinq vit avec une forme de trouble mental, allant d’une dépression légère ou d’une anxiété à une psychose ». De plus, « près d’une personne sur dix vit avec un trouble mental modéré ou grave ».

Cette même étude a analysé cinq troubles récurrents dans les zones de conflit : « la dépression, l’anxiété, le syndrome de stress post-traumatique, le trouble bipolaire ou la schizophrénie ».

« Les situations de conflit et les crises humanitaires créent une série d’enjeux rencontrés à différents niveaux : individuel, familial, communautaire et social, explique Mélissa Robichon, elle ajoute : « À tous les niveaux, les situations d’adversité affaiblissent les systèmes de soutien habituellement disponibles dans des circonstances normales et tendent à aggraver les problèmes préexistants de santé – y compris de santé mentale, d’inégalité sociale, de pauvreté. »

« Dans ce contexte, l’aide humanitaire bénéficiant à la fois au fonctionnement social, communautaire ainsi qu’à la santé mentale des individus est donc cruciale », interpelle-t-elle.

Les équipes de Première Urgence Internationale viennent en aide aux civils dans la région de Donetsk depuis 2015. Les domaines d’intervention de l’ONG sont : la santé, l’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène.

En faisant un don à Première Urgence Internationale, vous permettez aux équipes de continuer leur travail sur place et de mener un travail de sensibilisation sur la santé mentale auprès des communautés et des professionnels de santé.

Régulièrement, l’ONG attire l’attention sur le conflit du Donbass qui dure depuis sept ans. Dans ce cadre-là, elle présente du 15 au 27 mars 2021 une exposition photos et vidéos intitulée « Ukraine : les visages du conflit ».

Les projets mentionnés sont réalisés avec le soutien du service de la Commission européenne de l’Aide Humanitaire et Protection Civile (ECHO).


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