Restaurer les moyens de subsistance des ménages les plus vulnérables touchés par les conflits à Bangui
Des décennies de crises cycliques ont plongé la République centrafricaine dans un profond état de vulnérabilité, le pays se classant à l’avant-dernier rang de l’indice de développement humain 2020. Cette insécurité et cette instabilité prolongées ont eu de graves répercussions sur l’économie du pays, le chômage ayant augmenté jusqu’à 24,2 % en 20161.
Bangui en 2018 | © Gwenn Dubourthoumieu pour Première Urgence Internationale.
En particulier, la capitale de la République centrafricaine, Bangui, a été le théâtre de violents conflits qui ont eu lieu en décembre 2013, opposant deux groupes armés, dont celui dit de la «Seleka», qui ont pris le pouvoir et commis des exactions sur la population, obligeant la plupart d’entre eux à fuir massivement vers d’autres districts.
« Fin 2013, avec l’entrée de la Seleka, les massacres ont commencé. Mon petit-fils, en entendant les coups de feu, a pris peur. Il a essayé de s’enfuir mais a touché la marmite et s’est gravement brûlé. Tout le monde à l’hôpital avait fui, alors je l’ai ramené à la maison. Nous avons tenu deux jours, puis nous avons dû fuir nous aussi. J’ai tout laissé derrière moi : ma maison, ma literie et mon broyeur mécanique. Ils ont tout pris et jusqu’à présent, ma maison est occupée par des groupes armés », informe Jean, un agronome retraité de 68 ans.
Bien que la situation politique se soit progressivement stabilisée au cours des années suivantes, de nouveaux affrontements en avril et mai 2018 ont provoqué une dégradation sécuritaire qui a eu des répercussions directes sur les conditions de vie des populations, spécifiquement celles vivant dans le 3e arrondissement de Bangui. Des maisons et des lieux de cultes ont été brûlés, volés, pillés. Des personnes ont été tuées, kidnappées, violées.
C’est dans ce contexte particulièrement difficile que Première Urgence Internationale, avec le soutien de l’Agence des États-Unis pour le développement international (U.S. Agency for International Development – USAID) et de son Bureau d’Assistance Humanitaire, a initié un programme de soutien aux ménages les plus vulnérables affectés par cette crise. Le programme visait à responsabiliser ces acteurs économiques fragiles en les aidant à reprendre leurs activités, afin qu’ils améliorent leur résilience face au contexte instable du pays. Cette initiative a ciblé les personnes déplacées les plus vulnérables, comme les femmes et les personnes âgées.
« Mon fils aîné était médecin. Il était le seul de mes enfants à travailler et à m’aider depuis le décès de mon mari il y a huit ans. Mon fils est mort le 13 janvier de cette année, trois mois après avoir été blessé par balle lors d’un affrontement entre la Seleka et les anti-balaka à Buka, où il était médecin-chef de zone. Il m’a laissé huit petits-enfants, cinq garçons et trois filles. Après sa mort, avec les frais d’obsèques et les huit nouveaux petits-enfants à ma charge, j’ai perdu tout mon capital. De plus, la guerre a rendu le commerce plus difficile, avec de nombreuses routes bloquées », explique Madeleine, veuve et mère de six enfants.
Renforcer les capacités des acteurs économiques à Bangui
Le programme s’est déroulé entre septembre 2019 et avril 2021, et impliquait la distribution d’argent par le biais de paiements mobiles aux bénéficiaires sélectionnés du programme. En plus de l’appui financier, conçu pour couvrir les besoins de chaque type d’entreprise, Première Urgence Internationale a organisé des formations dédiées pour renforcer la gestion d’entreprise des acteurs économiques. Dans l’ensemble, le projet a permis à 550 personnes de restaurer leurs activités génératrices de revenus, améliorant ainsi leur vie.
Portrait de Jean dans le poulailler qu’il a construit avec l’aide de Première Urgence Internationale | © Gwenn Dubourthoumieu pour Première Urgence Internationale.
« Première Urgence Internationale est venue dans le quartier et m’a identifié comme une personne déplacée à l’intérieur du pays. Avec leur aide, j’ai pu construire un poulailler, acheter des poulets et les nourrir. Je suis maintenant en mesure de vivre grâce à cette activité », confie Jean.
Ce type de programme s’est avéré d’autant plus pertinent et impactant avec la pandémie de COVID-19, qui a gravement porté atteinte à la situation socio-économique de la population centrafricaine. En effet, la crise sanitaire a entraîné une inflation des prix sur le marché, aggravée par la crise post-électorale qui a eu lieu en décembre 2020 et janvier 2021. Néanmoins, l’argent perçu par les bénéficiaires leur a permis de faire face à cette crise économique, certains d’entre eux ayant même développé de solides mécanismes d’adaptation, comme la diversification de leurs activités commerciales.
Portrait de Madeleine avec les savons qu’elle fabrique grâce à l’aide de Première Urgence Internationale | © Gwenn Dubourthoumieu pour Première Urgence Internationale.
« Grâce à l’argent reçu de Première Urgence Internationale, j’ai pu reconstituer mon capital, puis faire des bénéfices, que j’ai immédiatement investis dans l’achat de 30 chaises. Je les loue chacune 100 francs CFA2 pour des cérémonies, des funérailles, des mariages, etc. Les bons jours, je peux louer mes chaises deux ou trois fois dans la même journée, et gagner 6 000 ou 9 000 francs CFA ! » confie Madeleine.
Première Urgence Internationale intervient en République centrafricaine depuis 2007.
En faisant un don à Première Urgence Internationale, vous permettez aux équipes de continuer leurs actions sur place tout en mettant en œuvre de nouveaux projets pour venir en aide aux populations vulnérables.
(1)Organisation Internationale du Travail
(2)100 FCFA = 0,15 € ; 6,000FCFA = 9,16 €