« Ce qui m’a frappé, c’est que la violence est au centre de leurs souvenirs, de leurs vies »


La situation militaire s’apaise en Irak. Cependant, même si certains habitants sont parvenus à retourner dans leurs villes d’origine, leur situation reste précaire. L’instabilité et l’impact direct du conflit sont des facteurs de forte détresse pour la population.  Première Urgence Internationale inclut dorénavant une composante en santé mentale et soutien psychosocial dans l’ensemble de ses projets. Clare Shortall, coordinatrice technique médicale pour Première Urgence Internationale revient sur la situation.

Souffrance des populations en Irak

Comment analyser la souffrance des populations en Irak ?

Chaque situation est différente. Mais parmi les Irakiens qui consultent nos médecins et le personnel spécialisé en santé mentale, nous constatons que beaucoup d’entre eux ont été exposés à des violences extrêmes. Ils sont nombreux à avoir perdu des membres de leur famille, jusqu’à cinq personnes parfois. Ce qui m’a frappé, c’est que la violence est au centre de leurs souvenirs, de leurs vies.

Il y a une différence entre les populations irakiennes qui ont vécu dans un lieu contrôlé par l’Etat Islamique et celles qui ont pu fuir rapidement. Certaines personnes ont passé deux ans dans une situation terrible et n’ont pas pu fuir. C’est le cas notamment des populations rurales dans le sud de l’Irak, dans la province de l’Anbar. Elles ne savaient pas où se réfugier et beaucoup ont été forcées de rester dans leur ville.

Nos équipes travaillent aujourd’hui avec les personnes de cette province, celles qui ont vécu sous l’emprise de l’Etat Islamique.

De quelle manière Première Urgence Internationale traite ces souffrances psychologiques ?

Nous incorporons la problématique de santé mentale dans l’ensemble de nos projets médicaux. Par exemple, nous avons systématiquement intégré des psychologues au sein des cliniques mobiles qui circulent dans le sud du pays et dans les centres de soins de santé primaires que nous soutenons. Nous travaillons également sur l’orientation, le référencement des personnes vers des services plus spécialisés en psychologie et santé mentale. Pour traiter la souffrance des populations en Irak, il faut pouvoir identifier les personnes.

Dans ce pays, les habitants ne vont pas toujours voir un spécialiste de la santé mentale lorsqu’ils sont en souffrance psychologique, ce n’est pas dans leur culture. Ils se rendent chez leur médecin généraliste. Celui-ci doit alors les orienter vers des personnes compétentes. Pour cette raison, nous adoptons une approche communautaire en travaillant avec des experts en santé mentale que nous formons et qui nous permettent également d’identifier les besoins dans la communauté.

En Irak, ce qui peut être le cas aussi en France et au Royaume-Uni également, la souffrance psychologique est parfois stigmatisée. Les personnes ont beaucoup de difficultés à s’adresser directement à un expert en santé mentale. Il faut faire changer les mentalités.

Souffrance des populations en Irak

En 2017, dans le camp de Bardarash accueillant des familles ayant fui Mossoul.

Il y a donc des réticences à traiter les maladies mentales ?

Avec les années de guerres que continuent de subir les populations en Irak, nous constatons une légère évolution des mentalités. De plus en plus de personnes sont malheureusement concernées par du stress, des angoisses et des situations de détresse psychologique. Nous formons le personnel médical à gérer ce genre de situation. En Irak, il y a peu de psychologues. Il y a des psychiatres qui ont une approche beaucoup plus médicamenteuse et qui ont besoin d’être formés au suivi psychologique, à écouter et prendre en compte la parole.

Pour traiter la souffrance des populations en Irak, il faut donc élargir et approfondir les compétences du personnel soignant.

Et le personnel médical est de plus en plus sensible à ces questions ?

Oui en effet, d’autant plus qu’il est souvent lui-même concerné par ces violences.  Nous travaillons avec beaucoup de médecins qui viennent de la ville de Mossoul, qui a été le théâtre de violents combats pendant de longs mois. Ces personnes doivent gérer leur propre stress et vivre les angoisses de leurs patients.

Cette situation  n’est pas toujours évidente mais nous les accompagnons afin qu’elles puissent travailler le plus paisiblement possible et dans les meilleures conditions.

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