La protection, un secteur d’intervention sous évalué


La protection est un domaine parfois mal compris dans le secteur de l’humanitaire, souvent jugé comme non prioritaire. Martin Gallard revient du Liban après plus d’un an de mission pour Première Urgence Internationale en tant que chargé de protection.  Il nous donne un éclairage sur ce secteur d’intervention loin d’être de « seconde classe ».

« Au Liban, je coordonnais deux projets protection dans le Akkar au nord du Liban. L’un visait à apporter un soutien financier à des familles syriennes sur le point d’être expulsées de leurs logements.

L’autre projet s’adressait directement à des écoliers, enseignants et parents d’élèves au sein de cinq écoles en apportant un soutien psychosocial à des enfants et des femmes victimes de violences. L’objectif était alors de sensibiliser toutes ces personnes, réfugiés syriens et population libanaise, au travail des enfants, au mariage précoce et aux violences faites aux plus jeunes qui peuvent exister dans certains foyers et même au sein d’établissements scolaires.

Ces interventions dans les écoles nous permettaient de former ce qu’on appelle des « points relais », des personnes issues des communautés syriennes et libanaises chargées d’identifier des situations problématiques et de détecter des comportements « anormaux ». C’est à dire dans la majorité des cas un enfant ayant subi des violences, un enfant ayant quitté l’école pour travailler dans les champs ou bien des Syriens sans les papiers nécessaires prouvant leur statut de réfugiés.

Comment mesurer les effets d’un projet autour de la protection ?

Les résultats de ces formations et de ces sensibilisations sont difficiles à mesurer. L’impact est difficilement quantifiable à court terme. C’est un problème du secteur de la protection, domaine qui s’avère pourtant très utile à long terme.

Nous effectuons des questionnaires qui portent sur l’avant et l’après formation. « Est-ce que je punis encore trop durement les élèves ? », se demandera un instituteur en lisant le document, « ai-je réellement besoin de frapper pour discipliner ? ».  D’autres part, les enfants apprennent à réagir face à certaines situations : « Que faire quand une amie se marie ? », « comment réagir en cas de violence ? », « que dois-je faire lorsque mes amis décident de quitter l’école pour une école coranique ? ».

La sensibilisation est extrêmement importante : pour protéger quelqu’un, il faut son consentement. Les personnes visées doivent donc comprendre les causes et les conséquences des risques qu’elles prennent, pour elles, pour leurs enfants. Une grande partie de notre travail est de communiquer avec les populations pour les convaincre de la nécessité d’être protégées.

De plus en plus d’individus ont besoin d’un soutien psychosocial

Concrètement, la protection améliore plusieurs aspects de la vie : la façon de vivre, de se défendre, de travailler, d’étudier. Et s’il est vrai que ce secteur est jugé moins prioritaire que la distribution de nourriture ou la construction d’abris, la problématique autour de la protection et de la santé mentale se développe de plus en plus dans l’humanitaire.

En effet, avec l’augmentation du nombre de réfugiés et de déplacés dans le monde, nous rencontrons de plus en plus d’individus qui ont besoin d’un soutien psychosocial. Je pense par exemple à ces hommes syriens qui fuient la Syrie pour se réfugier au Liban.

En arrivant, ils perdent leur statut social, leur travail. C’est une véritable humiliation pour eux. Cette perte de statut impacte toute leur vie sociale, leurs codes : ils ne se reconnaissent plus comme chef de famille, ne parviennent plus à subvenir aux besoins de leurs familles, ne travaillent plus, se cachent par honte de ne plus représenter ce que la société attendait d’eux. Le travail sur leur santé mentale permet donc une amélioration concrète et durable de leurs conditions de réfugié au Liban.

Je pense aussi à l’histoire de Dawlat que vous avez racontée. Cette femme syrienne, réfugiée au Liban, qui a décidé de se battre pour ses quatre enfants. Le soutien psychosocial apporté par les équipes de Première Urgence Internationale a permis de la remettre sur pied.

Dans le nord du Liban, les choses n’évoluent pas. Je dirais même que la situation empire. En 2018, les Syriens sont encore plus pauvres qu’en 2017 (source : Vulnerability Assessment of Syrian Refugees in Lebanon 2017 – VASYR). Par conséquent, les situations de détresse psychosociale augmentent. Il me semble évident que les interventions en protection sont prioritaires. »

Photos © Alexis Fogel

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