FATI, ACCOUCHEUSE TRADITIONNELLE EN ZONE DE CONFLIT AU NIGER


En août 2021, Première Urgence Internationale a organisé une formation dans le département de Torodi, région de Tillabéri pour les accoucheuses traditionnelles afin de les sensibiliser aux dangers obstétricaux et à l’importance de l’accompagnement des femmes par du personnel médical qualifié lors des accouchements. Nos équipes ont rencontré Fati, une accoucheuse traditionnelle, qui bénéficie depuis de notre soutien lors de ses activités quotidiennes.

Fati, accoucheuse traditionnelle au Niger | © Première Urgence Internationale

Fati se présente comme la fille d’Hama. Originaire du département de Torodi dans la région de Tillabéri, cette mère de dix enfants, âgée d’une soixantaine d’années, est inquiète pour son futur : elle subvient encore aux besoins de sa famille seule avec l’aide de ses fils aînés depuis la mort de son mari, mais craint la détérioration de la situation sécuritaire dans son village.

La zone des trois frontières, proche du Burkina Faso et du Mali, est en effet au cœur de la crise sahélienne. Déjà en proie à des tensions communautaires, la zone sahélienne a été déstabilisée en 2012 à la suite de l’insurrection menée au nord Mali par des groupes armés non étatiques. La crise s’est étendue depuis au Niger et les populations civiles sont les premières victimes des exactions commises par ces groupes : vols de bétail, incendie de greniers à céréales et d’habitations, destruction d’écoles et de centres de santé, explosion de mines, ou encore assassinats.

Torodi est une des zones ciblées par les actions des groupes d’opposition armés radicaux. Bien que le village de Fati n’ait pas encore été touché par les actions armées, des enjeux sécuritaires restent présents.

accoucheuse traditionnelle au Niger
Fati au cours de sa discussion avec les équipes de Première Urgence Internationale, accoucheuse traditionnelle au Niger | © Première Urgence Internationale

Les conséquences sont notables : Fati ne peut plus mener les activités qu’elle exerçait avant en raison de l’insécurité, et a par conséquent moins de revenus pour subvenir aux besoins de ses dix enfants. En plus d’être accoucheuse traditionnelle, elle confectionnait auparavant des poteries avec de l’argile qu’elle partait chercher à l’extérieur du village, cueillait des fruits sauvages et de la gomme arabique et ramassait du bois de chauffage pour les revendre ensuite.

Fati cultivait également des choux, de la salade et des arachides, mais elle n’a pas pu se rendre aux champs l’année dernière en raison des risques sécuritaires : « Maintenant, la brousse ne nous appartient plus et nous ne pouvons plus nous éloigner des villages ». Des pertes de revenus qui ont eu des impacts directs sur son quotidien et celui de sa famille : cette mère de dix enfants devait compter sur l’aide de ses proches pour acheter de la nourriture ou des habits et ne pouvait espérer accéder à un certain confort : « J’ai besoin d’argent pour marier mes filles : je voudrais leur offrir des tasses et des pagnes pour qu’elles soient belles, mais malheureusement je n’ai pas assez d’argent ! ».

Mais Fati ne se plaint pas, sa situation est meilleure que celle de d’autres femmes : depuis quelques mois, elle participe aux activités de Première Urgence Internationale dans sa commune en tant qu’accoucheuse traditionnelle. Elle a appris ce métier très jeune en suivant sa grand-mère, une accoucheuse traditionnelle très reconnue au sein de sa communauté. À sa mort, les habitants du village ont fait appel à Fati et elle a mis en pratique les connaissances familiales.

Sensibiliser les accoucheuses traditionnelles à de nouvelles méthodes

En août 2021, elle a participé à une formation de trois jours organisée par l’ONG à Torodi sur les accouchements, les signes de danger durant la grossesse, le début du travail d’accouchement, l’intérêt des consultations prénatales ainsi que l’importance du référencement des femmes pour l’accompagnement médical et obstétrical durant l’accouchement dans les centres de santé alors que de nombreuses femmes accouchent encore chez elles et sans assistance. Cette formation lui permet aujourd’hui d’accéder à un meilleur niveau de vie pour elle et sa famille : « Le projet me donne des primes pour que j’accompagne les femmes enceintes dans le centre santé pour l’accouchement. Cet argent me permet d’acheter de la nourriture et j’ai pu construire un poulailler ».

accoucheuse traditionnelle au Niger
Fati, accoucheuse traditionnelle au Niger | © Première Urgence Internationale

Fati explique qu’elle a amélioré ses connaissances au sujet « des méthodes des blancs » pour mener les accouchements. L’approche de Première Urgence Internationale vise en effet à faire cohabiter les approches traditionnelles et les pratiques de la médecine moderne afin d’accompagner au mieux les femmes enceintes. Avant, c’était elle qu’on appelait pour qu’elle accompagne les femmes lors de leur accouchement chez elles. Et elle appliquait les méthodes traditionnelles : « Si le reste de l’enfant [le placenta] ne sortait pas lors de l’accouchement, je versais du piment sec sur des braises et je faisais sentir la fumée à la femme pour qu’elle tousse jusqu’à ce que ça sorte. », explique Fati.

Si cette technique ne marchait pas, Fati massait le cordon ombilical avec de la cendre à trois reprises puis elle tirait. Pour couper le cordon ombilical d’un bébé, elle utilisait des tiges de mil. Quatre si le nouveau-né était un garçon, trois si c’était une fille. Puis le cordon était laissé comme tel et devait sécher jusqu’au baptême. Une méthode qu’elle a aujourd’hui remplacée au profit d’une autre : « Mais j’ai appris lors de la formation comment couper les cordons et les attacher avec du fil pour empêcher que le sang du bébé ne coule ».

Aujourd’hui, Fati encourage les femmes à aller accoucher dans un centre de santé et ne les accompagne lors de leur accouchement que lorsque le travail a commencé : « Même hier matin, j’ai trouvé une femme enceinte malade. Je l’ai accompagnée au centre de santé et aujourd’hui, lorsque je suis passée chez elle, elle allait beaucoup mieux ! ». Elle mène également un travail de sensibilisation au sein de sa communauté sur les dangers lors de la grossesse et de l’accouchement.

Elle parle également aux pères et aux maris des femmes enceintes : selon elle, il faut que les hommes comprennent les dangers lors des accouchements puisque ce sont eux qui prennent la décision d’amener ou non leur femme dans le centre de santé.

En tant qu’accoucheuse traditionnelle participant aujourd’hui à ce genre d’activités, elle confirme que son rôle au sein de la communauté continu d’être reconnu non seulement dans son village, mais également dans les villages voisins. Elle se dit satisfaite lorsqu’elle évoque la considération dont elle bénéficie : on lui accorde une place de choix et des cadeaux lors des fêtes organisées par les femmes qu’elle a assistées.

Cet appui financier est d’autant plus important pour elle qu’elle s’inquiète de la faim à venir. « L’insécurité nous préoccupe beaucoup et si ça continue, la faim va nous déranger car nous ne pouvons plus cultiver nos terres », annonce-t-elle.

 Ce projet est soutenu par le Bureau d’Assistance Humanitaire de l’Agence des États-Unis pour le développement international (U.S. Agency for International Development – USAID).

Découvrez les actions humanitaires au Niger de Première Urgence Internationale.

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