« Nous restons, la population a besoin de notre aide »
Le 20 janvier dernier, un hôtel de luxe à Kaboul est envahi par des terroristes armés. Le 24 janvier, les bureaux d’ONG à Jalalabad sont violemment pris d’assaut. Trois jours plus tard, une ambulance piégée explose au centre de Kaboul. Le 29 janvier, une attaque se produit à l’Académie militaire de Kaboul. Quatre attaques coordonnées en dix jours en Afghanistan, entraînant la mort de plus de 200 personnes, qui témoignent d’une insécurité et d’une tension générale dans le pays.

Ondine est cheffe de mission en Afghanistan pour Première Urgence Internationale. Elle nous raconte les défis auxquels elle et ses équipes ont été confrontées face à cette série d’attentats en Afghanistan.
Comment cela s’est-il passé pour toi et les équipes au moment des attentats ?
« J’avais des équipes à Jalalabad et Kaboul et j’étais moi-même sur place le 24 janvier. Nous étions évidemment inquiets et tristes devant le bilan humain qui s’alourdissait de minute en minute à chaque attaque. La succession des derniers événements a été intense et tragique. Il nous a fallu garder la tête froide et ne pas céder à la panique devant les rumeurs, la confusion et les difficultés auxquelles nous avons fait face au moment des attentats et les jours qui ont suivi. Mais nos équipes sont fortes et solidaires, et notre mission essentielle : c’est probablement ce qui nous a aidé à garder courage et continuer notre travail.
Quel a été ton sentiment juste après ces attaques ?
Après les attaques, j’ai ressenti un mélange de tristesse et de colère. Malheureusement, ce type d’événement n’est pas nouveau en Afghanistan et, malgré des périodes de « calme », chaque incident sécuritaire majeur nous rappelle que nous travaillons dans un des pays les plus instables et dangereux du monde. La veille de l’assaut à Jalalabad, pour mon dernier jour avant mon retour à Kaboul, nous étions avec les équipes nationales, qui étaient comme toujours très accueillantes et chaleureuses. Le lendemain, quand je suis rentrée à la capitale et que j’ai appris pour l’attaque, j’ai immédiatement pensé aux équipes restées sur place, qui auraient pu être touchées.
En tant que cheffe de mission, comment as-tu géré tes équipes après les attaques en Afghanistan ?
Ce qui est important c’est la communication avec les employés, afin de les écouter, de les informer et de les rassurer. Après l’épisode de Jalalabad notamment, j’ai discuté avec les équipes, expatriée et nationale, des décisions à prendre pour les prochains jours. Tous ont demandé à ce que l’on continue nos activités, sans fermer nos bureaux. Nous avons observé le jour de deuil national déclaré par le Gouvernement puis nous sommes retournés à notre poste.
Il y a vraiment un niveau élevé d’engagement. Nos équipes sont résilientes. Cela fait 40 ans que le pays subit des attaques répétées régulières. Et malheureusement, les populations locales ont pris l’habitude de vivre dans cette tension permanente. Même si nous avons des règles de sécurité très strictes, il ne faut pas oublier le contexte dans lequel nous travaillons quotidiennement : nous savons que ce type d’incident peut survenir à tout moment et toucher n’importe qui. Nous devons être prêts et équipés pour y faire face et continuer à assurer notre mission dans le pays, ce dont nos équipes sont conscientes. Cela se traduit dans leur volonté de continuer à mener à bien les activités.
Quel a été ton premier réflexe en tant que cheffe de mission ?
C’est la première fois que je suis confrontée à ce genre de situation. Il est important de prendre des décisions sans paniquer et en gardant la tête sur les épaules. Il faut également échanger avec les équipes et prendre des décisions justifiées pour éviter les frustrations. Quelques jours avant les attaques, nous avions organisé une session de formation de l’ensemble de nos employés nationaux à Jalalabad. Le but était d’essayer de leur donner des outils pour mieux s’armer et être prêts dans ce genre de situation, ainsi qu’avoir plus conscience de comment s’épauler les uns et les autres. Je pense que cela a aidé tout le monde à surmonter ces terribles derniers événements.
A quoi pense-t-on quand ce type d’événement se produit ?
Dans ces moments, nous pensons aux personnes que nous aidons, aux populations locales. Ce genre d’attaque, c’est ce que vivent régulièrement des milliers d’Afghans dans leurs villages. La population est souvent victime des dommages collatéraux des combats réguliers entre les différents groupes armés et les forces de sécurité du pays. Notre travail est important et nous ne pouvons pas nous permettre de nous arrêter après chaque incident.
Les attaques ont elles eu un impact sur votre travail sur le terrain ?
En Afghanistan, Première Urgence Internationale travaille principalement dans le domaine de la santé, via le support de centres de santé ainsi que le déploiement des cliniques mobiles dans les provinces de Nangarhar et Kunar, à l’Est du pays.
Nous sommes présents dans des zones contrôlées par le gouvernement mais aussi par des groupes d’opposition armés. Nous pouvons travailler dans ces zones du fait d’une forte acceptation de la part des populations locales, qui s’est construite de par notre présence depuis 1994 dans ces régions, et depuis 1979 en Afghanistan, dans le respect des principes humanitaires. Mon objectif reste néanmoins que nos équipes se sentent dans un environnement sécurisé pour pouvoir mener à bien leur travail. Suite à ces attentats, nous avons donc d’autant plus renforcé nos mesures de sécurité. »
Première Urgence Internationale en action
Projet financé avec le soutien de la Commission européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile (ECHO), Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), organisation mondiale de la santé (OMS), Programme alimentaire mondial (PAM), Ministère de la santé publique du gouvernement afghan.