Liban : l’agriculture pour faire face à la faim et à la crise


Sabah nous accueille avec un sourire franc et de l’optimisme dans les yeux. Elle nous montre fièrement la croissance de ses cultures et nous indique plusieurs plants de tomates sur le point de mûrir. En tant qu’agricultrice et unique soutien de son foyer, Sabah se consacre à ses trois serres qui l’aident à subvenir aux besoins de sa famille.

Sabah and her niece in their rehabilitated greenhouse growing tomatoes in Tall Birch, December 2022. © Lamia Dandan / Première Urgence Internationale

Sabah a 61 ans. Elle vit à Tall Bireh, un village situé à la frontière libano-syrienne dans le gouvernorat du Akkar, au nord du Liban. Elle partage sa maison avec ses deux sœurs malades et son frère, également en mauvaise santé, ainsi qu’avec sa famille de six personnes.

Le Liban connaît une situation d’insécurité alimentaire aiguë 

Entre septembre et décembre 2022, environ 1,98 million de résidents libanais et de réfugiés syriens sont considérés en situation d’insécurité alimentaire. Une situation qui nécessite une action humanitaire urgente pour réduire les déficits alimentaire. Il est primordial de protéger et rétablir les moyens de subsistance et prévenir la malnutrition aiguë, selon la première analyse de l’insécurité alimentaire aiguë de la classification intégrée de la phase de la sécurité alimentaire (IPC) au Liban.

Entre janvier et avril 2023, environ 2,26 millions de personnes seraient également confrontées à un niveau élevé d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 de l’IPC ou plus). Cela à cause de la détérioration de la situation économique et à la dépréciation de la livre libanaise (LBP), de l’inflation prolongée et de la flambée des prix internationaux.

« Bien qu’il n’y ait pas de cause unique ou de solution aux multiples crises qui menacent actuellement le Liban d’effondrement, un point est certain : la nécessité d’investir, ou de réinvestir, dans les capacités de production locales. C’est particulièrement vrai pour l’agriculture, et d’autant plus au Nord Liban », déclare Enguerrand Roblin, chef de mission de Première Urgence Internationale au Liban. « Ce type de projet s’inscrit dans cette logique macro de renforcement des capacités locales. Au niveau individuel, pour une famille comme celle de Sabah, nous souhaitons que ce projet soit le pont entre la survie et l’épanouissement », ajoute-t-il. 

Pour aider à renforcer la résilience des populations les plus touchées, Première Urgence Internationale fournit actuellement une assistance à 3 690 personnes dans l’Akkar. Grâce à une intervention intégrée de sécurité alimentaire, de moyens de subsistance et de nutrition. Cette action est rendue possible par le financement du Comité interministériel de l’aide alimentaire (CIAA) au sein du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.

De l’adversité aux moyens de subsistance durables 

Hasan, le frère de Sabah, tenait un modeste atelier de couture à Tall Bireh jusqu’à ce qu’il soit contraint de le fermer en raison de la crise économique et de la pénurie d’énergie. Sabah a donc dû prendre la tête du foyer, sans perspective économique stable. 

L’évolution de la réhabilitation des serres de Sabah de juillet à décembre 2022. © Première Urgence Internationale

« 2021 a été l’année la plus difficile de ma vie. Mon frère a fermé son atelier et est tombé malade. Notre ménage de 9 membres avait du mal à payer les dépenses quotidiennes telles que la nourriture et les médicaments. Nous nous sommes alors concentrés sur la culture de la terre comme principale source de nourriture. Pour aider à payer les soins médicaux, nous avons aussi une vache dont nous vendons le lait », explique Sabah.

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), la présence d’un membre du ménage souffrant d’une maladie chronique ou d’un handicap, le manque d’accès aux services de santé ou à l’éducation, la présence d’un membre du ménage au chômage ou un revenu instable sont fortement liés à la probabilité d’être en situation d’insécurité alimentaire. En outre, les ménages dirigés par des femmes se confrontent à davantage de difficultés sur le marché du travail et à des taux de chômage plus élevés que ceux des hommes.

Dans le cas de Sabah, trois vieilles serres, gravement endommagées en 2019 par des vents violents, sont restées inutilisées. « Je me souviens que mon père les avait achetées à la Syrie en 1982, nous y avons planté jusqu’en 2019. Mais nous n’avions pas les moyens de les réparer. Le coût de la remise en état était trop élevé », déclare Sabah.

Un projet à long terme porté par toute la famille

Une fois les serres endommagées, Sabah et sa famille ont eu du mal à joindre les deux bouts. Ils ont tenté à plusieurs reprises de s’inscrire à des projets d’aide humanitaire lorsqu’ils entendaient parler d’une opportunité. Ils n’y sont pas parvenus jusqu’en juillet 2022, date à laquelle Sabah a participé à une séance d’information organisée par Première Urgence Internationale sur un nouveau projet agricole.

En tant qu’agricultrice de la deuxième génération, Sabah avait appris les techniques agricoles de base auprès de son père. Mais elle n’avait pas les moyens de cultiver sa terre en raison des prix élevés des semences et des engrais.

Après avoir évalué la vulnérabilité des serres, Première Urgence Internationale a sélectionné Sabah pour faire partie de ce projet. Grâce à lui, elle a reçu une formation agricole complémentaire et du matériel agricole. Elle a ainsi pu faire réhabiliter ses serres.

Cultiver dans ses serres: un aboutissement

Aujourd’hui, après près de trois ans de précarité et d’absence de revenus réguliers, Sabah peut cultiver sa propre terre. Cela grâce au soutien continu de l’équipe de sécurité alimentaire et de moyens de subsistance de Première Urgence Internationale.  C’est également la première fois en cinq ans qu’elle réussit à cultiver dans ses serres.

Sabah faisant pousser ses plants de tomates dans sa serre réhabilitée, Akkar, Janvier 2023. © Lamia Dandan / Première Urgence Internationale

« Le 26 septembre 2022, les trois serres de mon terrain sont complètement remises en état. Je suis reconnaissante de pouvoir commencer à planter, même en hiver, avec des tomates et des haricots. Nous pourrons les consommer mais aussi générer un revenu supplémentaire pour notre ménage. C’est un soutien énorme pour nous, car nous n’aurions jamais pu réhabiliter nos serres sans cela », déclare Sabah avec enthousiasme. 

Adopter des pratiques durables

« La réhabilitation des serres peut apporter de nombreux avantages aux producteurs. Elle permet notamment des économies d’énergie, une meilleure productivité et une plus longue durée de vie de la structure de la serre », ajoute Zakhia Mahfouz, ingénieur agronome à Première Urgence Internationale. « Elle peut aider les producteurs à adopter des pratiques durables. Cela va de la conservation de l’eau, la réduction de l’utilisation de pesticides, et l’utilisation d’énergie renouvelables. Plus important encore, une serre bien entretenue peut créer un environnement plus sain pour les cultures. Cela réduit le risque de maladies et d’autres parasites qui peuvent affecter la croissance des plantes » 

Grâce aux conditions météorologiques et de l’utilisation des techniques agricoles enseignées par l’équipe de Première Urgence Internationale, Sabah peut actuellement produire environ 3,500 kg de tomates. Elle les vend à ses voisins, aux marchés locaux et à des grossistes. 

L’intervention de Première Urgence Internationale, rendue possible par le financement de la CIAA. Il constitue une bouée de sauvetage pour Sabah qui reste le principal soutien de sa famille de 13 personnes. Malgré les difficultés, Sabah est toujours aussi désireuse d’améliorer ses compétences et son amour pour la plantation.



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