Humanitaire au Moyen-Orient : une évidence pour Ahed Al Ezzo
Notre Cheffe de mission adjointe aux supports en Syrie travaille depuis 2008 à Première Urgence Internationale pour des missions au Moyen-Orient. Syrienne d’origine, elle a vu de ses yeux les conséquences des guerres et crises dans la région. Travailler dans l’humanitaire s’est alors imposé à elle comme une évidence.
©Première Urgence Internationale | Ahed Al Ezzo en équipe sur le terrain
Employée en Syrie dans une banque au moment de la seconde guerre du Golfe (débutée en 2003). Ahed Al Ezzo constate comment la vie de milliers de personnes peut basculer du jour au lendemain. Cet évènement a agi comme un révélateur.
« Les organisations internationales non gouvernementales n’existaient pas en Syrie avant cela. Quand la crise irakienne a eu lieu, nous avons commencé à réfléchir à comment aider les gens. La guerre en Irak a beaucoup affecté la Syrie car ce sont des pays voisins. C’était une guerre vraiment catastrophique, explique la Cheffe de mission adjointe aux supports, elle ajoute : « Je me suis demandée : comment un pays stable, sans problèmes, riche, avec un accès à l’éducation, peut basculer dans une telle situation ? J’ai vu des milliers de gens arriver sans argent, sans rien, ce sont ces évènements qui m’ont poussée à travailler dans l’humanitaire. »
Multilingue, ayant étudié l’économie et avide de travailler avec une organisation internationale pour découvrir de nouvelles cultures, Ahed Al Ezzo s’est alors lancée dans l’aventure Première Urgence Internationale.
« Un Chef de mission de l’ONG est venu pour l’ouverture de la mission Syrie et il cherchait des gens pour l’aider à préparer des documents pour l’ouverture (faire des traductions arabes, etc.). J’ai postulé et passé le processus de recrutement, c’est comme cela que j’ai été engagée en tant que Responsable administratif et financier. »
Instabilité régionale
Jusqu’en 2013 elle partage son temps entre le Liban, où vit son mari, et la Syrie. Une situation compliquée alors que le conflit syrien fait rage depuis deux ans.
« 2013 était très difficile. Il y a eu la crise syrienne avec son lot de problèmes et la guerre a commencé. J’étais très fatiguée des explosions quotidiennes. C’est pourquoi le Chef de mission a proposé au siège de Première Urgence Internationale que je devienne une expatriée dans un autre pays et l’ONG m’a proposé le poste de Coordinatrice logistique, administration et finances à la mission Irak basée en Jordanie, ce que j’ai accepté », se souvient-elle.
Durant ces années elle a tenu de multiples positions dans la finance et logistique jusqu’à arriver à son poste actuel qu’elle occupe depuis 2017. Les différentes missions l’ont amenée à vivre en Syrie, en Jordanie et au Liban où elle réside toujours aujourd’hui.
Au sein de la mission Syrie, quatre départements sont sous sa direction : la logistique, les ressources humaines, les finances et l’administration ainsi que la conformité.
Ses débuts de semaine sont rythmés par des appels en visioconférence avec les différents chefs de pôles pour organiser la semaine, les priorités, les tâches urgentes et gérer les difficultés quotidiennes.
« Les plus gros défis que nous rencontrons sont liés au fait que nous travaillons en Syrie où se déroule une crise économique et politique. Le deuxième défi concerne les sanctions imposées à la Syrie. Ces sanctions ont débuté il y a des années. Cela prend beaucoup de temps de gérer tout cela au niveau de la logistique et des finances. Une autre difficulté a trait avec le recrutement car nous avons une grosse mission avec des roulements importants », témoigne Ahed Al Ezzo.
Malgré les défis quotidiens, savoir qu’elle participe à l’amélioration des conditions de vie dans son pays et la région est essentiel pour elle.
« Voir son pays affecté par la guerre et la crise est difficile. Les populations ont de moins en moins de moyens pour vivre correctement. C’est un énorme changement au Moyen-Orient qui est une région très riche à plusieurs niveaux, y compris historiquement », témoigne-t-elle, elle ajoute : « L’important pour moi est de sentir que je participe, même un peu, à améliorer la situation. Cela me donne beaucoup d’énergie et de motivation. »
Des équipes soudées
Ahed Al Ezzo essaye de se rendre souvent sur le terrain (en prenant en compte les nouvelles restrictions dues à la pandémie de COVID-19) dans les gouvernorats où agit Première Urgence Internationale pour récolter elle-même des informations sur les activités.
« Il faut savoir qu’en Syrie nous sommes une centaine à travailler sur la mission, répartis dans huit gouvernorats, donc certains sont dans des zones géographiques très éloignées. Mais c’est très important pour quelqu’un qui travaille sur le budget, le financement, le support de la mission, de voir quel est l’impact du travail que l’on mène », explique-t-elle.
Échanger avec les équipes lui permet aussi de juger du bien-être des salariés qui peuvent se confier plus facilement. Tout cela permet d’avoir « une mission solide ».
« Depuis mon retour dans la mission en 2015 la situation en Syrie s’est dégradée. Il n’y a plus d’électricité comme avant, plus de ressources, c’est un pays sous sanctions. Il n’y a pas beaucoup de possibilités de voyager avec un passeport syrien, le pouvoir d’achat est très bas. Les gens sont tristes, déprimés et stressés », insiste Ahed Al Ezzo.
Pour améliorer cette situation, elle a décidé dès son retour dans la mission Syrie en 2015 d’allouer un budget spécifique pour organiser deux fois par an une retraite de quelques jours au Liban pour tout le personnel syrien. Ce séjour permet aux équipes de se détendre et sortir un peu d’une atmosphère quotidienne pesante.
« On fait des ateliers pour parler de la situation et il y a aussi une journée pour faire des jeux et des activités, de la danse… L’impact a été très positif. Depuis la COVID-19 nous n’avons pas pu organiser de retraite et les gens m’appellent pour me demander quand cela pourra avoir lieu à nouveau », dit-elle.
Un attachement à l’ONG
Durant ses 13 ans à Première Urgence Internationale, Ahed Al Ezzo a construit des liens forts avec ses collègues et l’ONG. Des liens qui la poussent à rester.
« Première Urgence Internationale est une organisation où l’on sent qu’on travaille avec une famille plus qu’avec des collègues, même avec les gens que nous ne rencontrons pas forcément en face à face. De plus, l’ONG permet une évolution de carrière, j’en suis l’exemple : de salariée nationale je suis passée à expatriée. J’ai beaucoup apprécié cette opportunité. »
Elle précise aussi n’avoir « jamais senti une quelconque discrimination entre nationalités » et recevoir « une grande reconnaissance ».
Un souvenir qui restera gravé dans sa mémoire est celui des 10 ans d’anniversaire de la mission de Première Urgence Internationale en Syrie en 2018. Pour marquer le coup, deux célébrations ont été organisées : une en Syrie et une en France.
« Nous avons fait une célébration au centre Iris à Paris avec des journalistes. J’ai ouvert l’évènement. Cela m’a beaucoup touchée car nous avons amené l’image de la Syrie en France. Les personnes du siège étaient heureuses que nous célébrions cela et des Syriens habitant en France ont aussi assisté à la conférence, posé des questions et nous avons pu échanger. C’était pour moi un moment très important. »
Pour Ahed Al Ezzo, rester longtemps dans une même ONG ne limite pas la carrière d’une personne, au contraire.
« J’ai pu fortement développer mes compétences en travaillant avec Première Urgence Internationale, surtout en travaillant au Moyen-Orient avec la mission Syrie. J’aimerais remercier l’ONG car je me sens appréciée, les gens comptent sur moi et me demandent conseil », conclut Ahed Al Ezzo.
Consciente de bien maîtriser les rouages avec ses années d’expérience, elle espère maintenant continuer dans sa lancée et devenir, un jour, Cheffe de mission dans la région.
Découvrez le métier de Chef de mission adjoint aux programmes pour Première Urgence Internationale.