« Malheureusement, pendant les prochaines années, il y aura beaucoup de travail pour nous »


Luisa est italienne, elle a déjà effectué deux missions avec Première Urgence Internationale, en tant que Coordinatrice Administration et Finance en Jordanie et en Irak, elle s’apprête à partir pour sa troisième mission en Libye quand elle nous accorde cette interview.

Qu’est-ce qui vous a amenée à choisir le secteur humanitaire ?

J’ai un master en diplomatie, je pensais à l’origine suivre une carrière diplomatique. Quand j’étais en master, j’ai fait un stage dans une ambassade et j’ai été hébergée dans une maison d’hôtes gérée par une ONG. Avant cela, j’avais une idée de ce qu’était le secteur humanitaire, mais je ne pensais pas que l’on pouvait y faire carrière. Durant mon séjour là-bas, j’ai pu observer les belles choses qui étaient faites par les humanitaires et j’ai réalisé que je pourrais être plus utile en travaillant dans ce secteur que dans la diplomatie. Ce qui m’a vraiment séduite et convaincue, c’est l’idée que l’on pouvait avoir une contribution plus visible.

Comment et quand avez-vous entendu parler de Première Urgence Internationale pour la première fois ?

Je pense que c’était lors de ma première mission en 2020. J’étais stagiaire au Congo c’était ma première expérience dans une ONG internationale. Nous étions amis avec un groupe d’ONG françaises, dont Solidarités International, Première Urgence Internationale et ACTED en faisaient parties. C’était la première fois que j’entendais le nom de l’ONG et que je rencontrais des personnes travaillant pour elle.

Pourquoi avez-vous choisi de faire votre première mission avec Première Urgence Internationale en Jordanie ?

En fait, j’avais initialement postulé pour un poste à Tunis pour la mission en Libye ; mais ma candidature est arrivée trop tard alors, j’ai postulé pour la mission en Jordanie. Je me suis décidée à postuler après avoir discuté avec une amie, travaillant alors pour la mission Tunis, qui m’a parlé de l’environnement de Première Urgence Internationale, du déroulement d’une mission, du type de mandat et des activités. Ça m’a intéressée et je me suis dit: « Allez, pourquoi pas ! »

Pouvez-vous expliquer en quelques mots ce que fait un coordinateur administratif et financier et quel est son rôle lors des missions humanitaires ?

Il s’agit de la personne chargée de la liquidité globale de la mission : obtenir l’argent, le dépenser, s’assurer que l’argent est dépensé conformément à la procédure que notre contrat est censé suivre.

Donc, un administrateur doit s’assurer que l’argent que nous recevons est dépensé de manière correcte, mais aussi dans les bons délais. En effet, chaque fois que vous signez un projet, vous devez respecter un calendrier pour réaliser vos activités et dépenser l’argent qui vous a été alloué pour celles-ci.

Et ça, c’est une explication financière très simple et résumée.

Avez-vous appris de nouvelles choses à chaque mission ?

Absolument, et c’est toujours un défi ! En particulier pour un administrateur, il y a beaucoup d’informations nouvelles et très spécifiques à chaque contexte et à chaque pays à intégrer. Par exemple, si vous êtes en charge des ressources hulaines (RH), il vous faut rapidement comprendre la législation en vigueur dans le pays. De même, d’un point de vue financier, vous pouvez avoir différents défis en termes d’accès aux liquidités, de système bancaire ou d’absence de système bancaire, de type de paiement à utiliser ou de taxes que le pays a décidé d’appliquer.

A chaque nouvelle mission, il y a une grande quantité d’informations qui doivent être apprises et comprises rapidement pour être utiles.

Quel genre de difficultés avez-vous rencontrées au cours de votre travail ?

Il y a beaucoup de difficultés. Je dirais que la chose la plus difficile, est de pouvoir comprendre le contexte dans un laps de temps très court. Être capable d’appréhender les réglementations et le fonctionnement du système financier et s’assurer d’être en mesure de surmonter les difficultés. Votre capacité à lire le contexte et à l’analyser est donc très importante dès le premier jour.

Et qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

Il y a plusieurs choses qui sont très satisfaisantes dans le métier d’administrateur. La plus simple est que lorsque les choses se passent bien, vous savez que vous faites du bon travail. Vous avez la capacité de faciliter le travail de chaque service, car vous êtes en relation avec tous les services. Ainsi, lorsqu’il y a des défis à relever et que vous êtes en mesure d’y apporter une solution, vous éprouvez une certaine satisfaction. C’est gratifiant. De plus, même si vous n’êtes pas la première personne que le bénéficiaire rencontre, vous êtes juste derrière l’agent de terrain. Et si je n’étais pas là, le travailleur de terrain ne serait pas en mesure de faire son travail de la meilleure façon possible.

Il y a aussi d’autres petites satisfactions, comme la très petite satisfaction égoïste de sentir que vous êtes reconnue comme la personne la plus intelligente de la pièce. La plupart des gens pensent que la finance est très compliquée et difficile, alors parfois vous faites votre travail normalement, mais les autres ont l’impression que vous êtes en train de faire des choses très techniques.

Je dirais aussi, que d’un point de vue purement RH, si l’organisation dans le pays s’occupe des bénéficiaires, vous pouvez toujours contribuer à l’amélioration de la vie des habitants d’un pays, dans lequel vous travaillez, en prenant soin de votre personnel local. Dans certaines missions, vous êtes tellement nombreux et vous travaillez dans tellement de domaines différents que vous n’avez pas l’occasion de vous connaître. Alors, quand vous parvenez à créer des liens avec vos collègues dans une plus petite mission, c’est une source de joie pour vous.

D’après ce que vous avez vu sur le terrain lors des précédentes missions, quelles sont, selon vous, les principales valeurs de Première Urgence Internationale ?

Je pense que Première Urgence Internationale a une orientation claire vers les bénéficiaires. Quel que soit le pays dans lequel nous travaillons, le mandat est toujours très explicite : l’approche des bénéficiaires est toujours prioritaire. Toutes les décisions sont également très orientées, ce qui vous motive davantage car vous avez le sentiment de faire partie de quelque chose et de travailler pour un objectif concret.

Nous sommes très conscients de nos limites, mais nous essayons toujours de faire de notre mieux pour proposer la meilleure aide adaptée à un contexte et à des circonstances.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Je dirais qu’il sera difficile. Nous ne pouvons pas nier que l’année et demie que nous avons passée avec la crise du COVID-19 aura un impact, en particulier dans les pays où nous travaillons, qui ont moins de systèmes étatiques pour renforcer l’économie ou le système de santé et pour revenir à la situation dans laquelle ils étaient auparavant. Cette crise a eu un impact sur tous les pays et, bien plus encore dans ceux dont le système est plus faible. Malheureusement, pendant les prochaines années, il y aura beaucoup de travail pour nous. Il faudra probablement y faire du lobbying pour s’assurer que les pays qui disposent de plus de ressources et, dans ce cas précis, d’un meilleur accès aux médicaments et aux vaccins, sont disposés et capables de partager avec les pays qui en ont moins. Car c’est précisément le moment où nous ne pouvons pas les laisser de côté.

Nous avons compris que tous les pays sont interconnectés et que tout ce qui s’y passe a un impact sur nous aussi. Nous ne pouvons pas simplement fermer nos frontières, nos fenêtres et nos yeux pour oublier les autres.


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