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Liban : La télémédecine au service de notre réponse humanitaire

Publié le 16/04/2025 | Temps de lecture : 7 min

télémédecine au Liban

Le Liban traverse une crise multidimensionnelle qui affecte profondément son système de santé. Les tensions sécuritaires et les déplacements de populations liés aux conflits régionaux, l’effondrement économique et la pénurie de ressources médicales ont gravement fragilisé l’accès aux soins pour une large partie de la population.

Dans ce contexte, les infrastructures médicales peinent à répondre aux besoins croissants des patients, notamment dans les zones reculées.

Première Urgence Internationale au Liban a développé des solutions innovantes pour garantir la continuité des services de santé. Parmi ces initiatives, la télémédecine s’est imposée comme un levier essentiel, permettant de surmonter les freins géographiques et d’assurer un suivi médical efficace.

télémédecine au Liban

L’essor de la télémédecine : un changement de paradigme

Ces dernières années, et particulièrement avec la pandémie de COVID-19, la télémédecine a connu un développement et une adoption exponentiels à l’échelle mondiale. Ce mode de consultation à distance, qui repose sur les technologies de communication avancées, permet aux professionnels de santé de diagnostiquer, traiter et suivre leurs patients sans contrainte de déplacement.

Au Liban, cette approche représente une opportunité majeure, notamment pour les populations vulnérables vivant dans des zones difficiles d’accès. Elle permet d’améliorer l’accessibilité aux soins tout en optimisant les ressources médicales, souvent limitées en raison de la crise économique et des tensions sécuritaires qui affectent le pays.

Comment Première Urgence Internationale a mis en place la télémédecine au Liban ?

Bien que l’Ordre des Médecins libanais n’ait pas officiellement validé la télémédecine, Première Urgence Internationale a obtenu une autorisation directe du ministère de la Santé Publique (MoPH) pour tester cette solution dans plusieurs centres de santé primaire. Cette initiative s’est appuyée sur un modèle de suivi des patients atteints de maladies chroniques, déjà inscrits dans les centres de santé soutenus par nos équipes.

Ce choix a permis de réduire les risques liés à la télémédecine, en garantissant que les consultations à distance s’adressaient à des patients dont les antécédents médicaux étaient bien connus des professionnels de santé. Cette approche progressive a favorisé l’acceptation du dispositif, tant par les patients que par les soignants.

Télémédecine comme réponse humanitaire

Une approche fondée sur l’évaluation et la satisfaction des patients

Afin d’évaluer l’impact et l’acceptabilité de la télémédecine, Première Urgence Internationale a mené une étude quantitative auprès des patients ayant bénéficié de consultations à distance dans trois centres de santé qu’elle appuie : Shebaa, Khiam et Meriata.

Le questionnaire, réalisé par téléphone avec le consentement des patients, s’est concentré sur trois axes :

  • Les données générales des patients,
  • L’évaluation des performances des soignants,
  • L’expérience globale de la consultation à distance.

Les résultats ont été partagés avec le ministère de la Santé afin de démontrer la pertinence de cette approche.

Un modèle innovant pour l’avenir des soins au Liban ?

L’expérience montre que la télémédecine peut jouer un rôle clé dans le renforcement du système de santé au Liban, en particulier dans un contexte de crise. En s’adaptant aux contraintes locales et en collaborant étroitement avec les autorités de santé, cette initiative ouvre la voie à une meilleure prise en charge des patients déjà suivis, tout en optimisant l’utilisation des ressources médicales disponibles.

Alors que les crises persistent et que les défis d’accès aux soins demeurent, la télémédecine pourrait devenir un outil incontournable pour garantir des services de santé équitables et durables au Liban.

Interview sur la télémédecine

Rasha Al Askar

Coordinatrice santé pour Première Urgence Internationale au Liban

“La télémédecine est devenue partie intégrante de la stratégie de préparation et de réponse aux urgences de Première Urgence Internationale, garantissant un accès continu aux services de santé essentiels pour les populations vulnérables.”

Retrouvez ci-dessous l’entretien complet de Rasha :

1. Pourquoi et comment
Première Urgence Internationale a décidé d’intégrer la télémédecine dans ses interventions au Liban ?

Depuis la fin de l’année 2022, le Liban a été confronté à de multiples crises, notamment le COVID-19, l’attentat de Beyrouth et une grave inflation, qui ont entraîné un exode important de médecins et d’infirmières. En raison de cette pénurie, il est de plus en plus difficile d’attirer des professionnels de santé qualifiés, en particulier dans les zones rurales.

Pour relever ce défi, Première Urgence Internationale a intégré la télémédecine dans ses opérations en 2023 dans le cadre du NDICI. La dégradation de la situation économique et la fuite des cerveaux qui en résulte, en particulier dans les spécialités clés des centres de soins de santé primaire, ont mis en évidence le besoin urgent de solutions alternatives. Fin 2023, la télémédecine est devenue partie intégrante de la stratégie de préparation et de réponse aux urgences de Première Urgence Internationale, garantissant un accès continu aux services de santé essentiels pour les populations vulnérables.

2. Quels ont été les principaux défis
lors du déploiement de la télémédecine ?

Première Urgence Internationale a été confrontée à plusieurs défis lors du déploiement de la télémédecine, depuis la proposition initiale jusqu’à sa mise en œuvre. Malgré son faible coût et sa population cible limitée, il était difficile de mettre en avant la télémédecine en tant qu’intervention clé.

Au cours de l’élaboration du projet, Première Urgence Internationale a procédé à un examen approfondi de la littérature et a analysé les meilleures pratiques en vigueur dans d’autres pays. Cependant, des résistances sont apparues très tôt, en particulier de la part des médecins des centres de soins de santé primaire. Nombre d’entre eux étaient réticents à participer, car la télémédecine n’était pas encore reconnue par les autorités médicales. Les patients ont également rencontré des obstacles, avec un accès limité aux téléphones ou à des connexions internet fiables.

Garantir le respect de la vie privée et la confidentialité constituait un autre défi, tant pour les prestataires de soins de santé que pour les patients. En outre, la mauvaise connexion à l’internet, en particulier dans le sud du Liban, a encore compliqué la mise en œuvre. Ce problème a été exacerbé par les conflits en cours, rendant encore plus difficile une communication stable.

3. Quels enseignements tirer
de l’évaluation du programme, et quelles sont les perspectives d’évolution pour renforcer son impact ?

Le programme pilote a permis d’atteindre des personnes souffrant de maladies non transmissibles, leur permettant de recevoir des soins de suivi de la part de leurs médecins de premier recours. Cela a permis de renforcer la relation médecin-patient et d’améliorer la continuité des soins.

Fort de ce succès, je recommande vivement d’étendre les services de télémédecine et de téléconseil à d’autres spécialités, telles que la santé mentale, les soins prénataux et le suivi des cas stables de maladies aiguës courantes. Cela permettrait d’améliorer encore l’accès aux services de santé essentiels et de garantir de meilleurs résultats sanitaires à long terme.

4. Quel rôle
la télémédecine peut-elle jouer pour assurer un accès aux soins durable et équitable ?

Dans le contexte des multiples crises que connaît le Liban, la télémédecine joue un rôle crucial pour garantir un accès durable et équitable aux soins de santé. De nombreux centres de soins de santé primaires étant gravement endommagés, partiellement opérationnels ou ne disposant pas de certaines spécialités, le développement de la télémédecine est essentiel pour combler ces lacunes. En outre, la télémédecine contribue à réduire les obstacles au transport pour les populations les plus vulnérables, leur permettant de recevoir des soins pour des conditions stables à distance par téléphone ou par appel vidéo, sans avoir à supporter des frais de déplacement inutiles.

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